Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.

ANNETTE LAÏS

PAR

PAUL FÉVAL

deco

NEW-YORK
CHARLES LASSALLE, ÉDITEUR
Bureau du Courrier des Etats-Unis
92 WALKER ST.


1867

1

2

ANNETTE LAÏS.

3

I.
MA FAMILLE.

Mon oncle Bélébon était encore coiffé àl'oiseau royal en 1842, époque où il futquestion pour la première fois de faire demoi quelque chose. Je parle de lui d'abordparce qu'il était l'esprit de la famille,au dire de mes deux tantes Kerfily et del'aumônier des Incurables. Mon oncle Bélébondisait de son côté que l'aumônier desIncurables était une fine mouche et quemes deux tantes Kerfily avaient un sens infaillible.Ce fut là précisément ce qui medonna défiance de mon oncle Bélébon, caraussitôt que ma tante Kerfily-Bel-Œil disaitblanc, ma tante Kerfily-Nougat criait noiravec une voix d'oiseau qu'elle avait. Or,comment le noir et le blanc peuvent-ilsavoir raison tous deux à la fois?

Mon oncle Bélébon ne se faisait jamais àlui-même de ces questions indiscrètes. C'étaitle despotisme incarné: un bien bravehomme, à part cela, et qui avait des boutonsd'agate à son habit marron. Dans lanuit des temps, il avait été officier de marine,mais sans jamais monter à bord d'aucunvaisseau. «Le métier de marin, disait-ilparfois après dîner, est semé de dangerssans nombre. On n'y est séparé de la mortque par une mince planche!»

Il aimait passionnément cette idée, quiest, du reste fort ingénieuse et que j'ai retrouvéedans beaucoup d'auteurs estimables.

En 1842, mon oncle Bélébon avait soixante-seizeans bien sonnés. Il se faisaitdes sourcils noirs avec je ne sais quoi etchantait encore les chansons de Mirabeau-Tonneau.Dans les moments de gaieté folle,il allait jusqu'à décocher des épigrammesmalignes à Robespierre et même à Cambacérès.

Il faut vous dire tout de suite où cela sepassait, car j'ai l'air de tomber des nues.Nous habitions l'hôtel de Kervigné, sur laplace des Lices, à Vannes, chef-lieu duMorbihan. Kervigné est le nom de notre famille,qui a donné à la France deux amirauxet un lieutenant général. Nous figuronsà la salle des Croisades de Versailles.Mon père paya pour cela une note de cinquante-septfrancs à la maison Godet-Regardde Plantecoq, à Paris, laquelle rhabilleles généalogies, ravaude les écussonset va en ville. J'ai gardé un peu de rancuneà ma noblesse, qui m'a joué d'assez méchantstours; mais cela ne nous empêche,nous, les Kervigné de Vannes, d'être labranche aînée et comtes depuis Louis XIV.Saint-Simon parle de nous. Les Kervignéde Pontivy ne valent pas l'épluchage. Nousne cousinons pas. Ma mère était Kerfily, 4une excellente famille de robe. La fortunevenait de son côté, quoique mon père fûtloin d'être pauvre. Dieu merci, outre l'hôtelde la place des Lices et le château qui estau bord de la mer, là-bas vers Carnac, nousavons toujours joui d'une trentaine de bonnesmille livres de rente.

Mais mon frère le vicomte coûtait cher.Il était, s'il vous plaît, à vingt-quatre ans,chef d'escadron de cuirassiers. Il faut soutenircela

...

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