Produced by Mireille Harmelin and the Online Distributed

Proofreaders Europe at http://dp.rastko.net. This file wasproduced from images generously made available by theBibliothèque nationale de France (BnF/Gallica)

LÉON BLOY

Le Désespéré

LACRYMABILITER!

(Office des morts des Chartreux).

PARIS

TRESSE & STOCK, ÉDITEURS.

1887

AVIS DES ÉDITEURS

_Ainsi que nous l'avons écrit, il y a deux ans, en tête du premiervolume de M. Léon Bloy, publié par nous, notre intention a étésimplement de mettre sous les yeux du public un talent qui nous paraîtextraordinaire,—laissant à l'auteur l'entière responsabilité desopinions ou des jugements qu'il a cru devoir exprimer par la bouche despersonnages de son roman.

Nous respectons trop l'originalité littéraire de M. Léon Bloy pour avoirexigé de lui la plus légère modification à des appréciations ou à desjugements que beaucoup trouveront excessifs, injustes et peut-être mêmeoffensants. D'ailleurs, M. Léon Bloy eût été vraisemblablement rebelle ànos avis.

Il est donc bien entendu que nous laissons à l'auteur l'entièreresponsabilité de ses jugements ou de ses appréciations, nous renfermantsimplement dans notre droit strict d'éditeurs et de marchands decuriosités littéraires._

T. & S.

I

Quand vous recevrez cette lettre, mon cher ami, j'aurai achevé de tuermon père. Le pauvre homme agonise et mourra, dit-on, avant le jour.

«Il est deux heures du matin. Je suis seul, dans une chambre voisine, lavieille femme qui le garde m'ayant fait entendre qu'il valait mieux queles yeux du moribond ne me rencontrassent pas et qu'on m'avertiraitquand il en serait temps.

«Je ne sens actuellement aucune douleur ni aucune impression moralenettement distincte d'une confuse mélancolie, d'une indécise peur de cequi va venir. J'ai déjà vu mourir et je sais que, demain, ce seraterrible. Mais, en ce moment, rien; les vagues de mon cœur sontimmobiles. J'ai l'anesthésie d'un assommé. Impossible de prier,impossible de pleurer, impossible de lire. Je vous écris donc,puisqu'une âme livrée à son propre néant n'a d'autre ressource quel'imbécile gymnastique littéraire de le formuler.

«Je suis parricide, pourtant, telle est l'unique vision de mon esprit!J'entends d'ici l'intolérable hoquet de cette agonie qui estvéritablement mon œuvre,—œuvre de damné qui s'est imposée à moi avec ledespotisme du destin!

«Ah! le couteau eût mieux valu, sans doute, le rudimentaire couteau duchourineur filial! La mort, du moins, eût été, pour mon père, sanspréalables années de tortures, sans le renaissant espoir toujours déçude mon retour à l'auge à cochons d'une sagesse bourgeoise; je seraisfixé sur la nature légalement ignominieuse d'une probable expiation;enfin, je ne resterais pas avec cette hideuse incertitude d'avoir euraison de passer sur le cœur du malheureux homme pour me jeter auxréprobations et aux avanies démoniaques de la vie d'artiste.

«Vous m'avez vu, mon cher Alexis, coiffé d'une ordure cylindrique, dénuéde vêtements, de souliers, de tout enfin, excepté de l'apéritiveespérance. Cependant, vous me supposiez un domicile conjecturable, unsemblant de subsides intermittents, une mamelle quelconque aux flancsd'airain de ma chienne de destinée et vous ne connûtes pasl'irréprochable perfection de ma misère.

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!