Il a été tiré de cet ouvrage 10 exemplaires sur papier
de Hollande,numérotés 1 à 10.
VOYAGES AU FRONT
DE DUNKERQUE A BELFORT
DU MÊME AUTEUR
Chez les heureux du monde. Traduction de M. Charles du Bos. Préface de M. Paul Bourget, de l’Académie française. 9e édition. Un volume in-16 | 3 fr. 50 |
Les Metteurs en scène. 2e édition. Un volume in-16. Prix | 3 fr. 50 |
Sous la Neige. 3e édition. Un volume in-16. | 3 fr. 50 |
PARIS.—TYP. PLON-NOURRIT ET Cie 8, RUE GARANCIERE.—21840.
EDITH WHARTON
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[Illustration: colophon]
PARIS
LIBRAIRIE PLON
PLON-NOURRIT ET Cie, IMPRIMEURS-ÉDITEURS
8, RUE GARANCIÈRE—6e
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1916
Tous droits réservés
Droits de reproduction et de traduction
réservés pour tous pays.
{1}
TABLE DES MATIÈRES |
Août 1914.
Le 30 juillet dernier, allant en automobile de Poitiers vers le Nord,nous avions déjeuné au bord de la route, sous des pommiers à la lisièred’un champ. D’autres champs s’étendaient à droite et à gauche, jusqu’àl’orée d’un bois d’où émergeait un clocher de village. Tout alentour,{2}c’était le calme de midi et le paysage discret et ordonné que lesouvenir du voyageur se plaît à évoquer comme particulièrement français.Parfois, même aux yeux qui les connaissent le mieux, ces champs tirés aucordeau, ces villages gris et ramassés, semblent tout simplement platset ternes. A d’autres moments, pour l’imagination sensible, chaque mottede terre, chaque sillon uniforme témoigne de l’attachement vigilant etininterrompu de générations fidèles au sol. Par cette douce après-midide juillet, cet attachement s’exprimait dans toutes les lignes dupaysage que nous avions sous les yeux. Dans le grand silenceenvironnant, l’air semblait rempli du long murmure de l’effort humain,du rythme des tâches souvent répétées: la sérénité souriante du{3}spectacle dissipait les rumeurs de guerre qui nous poursuivaient depuisle matin.
Tout le jour, des bandes de nuages orageux avaient assombri le ciel;mais quand nous atteignîmes Chartres, vers quatre heures, ils avaientdisparu derrière l’horizon, et la ville était tellement saturée desoleil qu’en entrant dans la cathédrale on croyait pénétrer dansl’épaisse obscurité d’une église espagnole. De prime abord, aucun détailn’était visible: nous étions dans un