EMILE FAGUET

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE



ÉTUDES LITTÉRAIRES

DIX-HUITIÈME SIÈCLE



PIERRE BAYLE—FONTENELLE

LE SAGE—MARIVAUX—MONTESQUIEU

VOLTAIRE—DIDEROT—J.J. ROUSSEAU

BUFFON—MIRABEAU—ANDRÉ CHÉNIER.



AVANT-PROPOS

Ce volume, comme ceux que j'ai donnés précédemment,s'adresse particulièrement aux étudiantsen littérature. Ils y trouveront les principauxécrivains du XVIIIe siècle analysés plutôt enleurs idées qu'en leurs procédés d'art. C'était unpeu une nécessité de ce sujet, puisque les principauxécrivains du XVIIIe siècle sont plutôt deshommes qui ont prétendu penser que de pursartistes. L'exposition devient toute différente, eta comme d'autres lois, selon que le critique s'occupedes deux grands siècles littéraires de laFrance, qui sont le XVIIe et le XIXe, ou des tempsoù l'on s'est attaché surtout à remuer des questionset à poursuivre des controverses.

Du reste, quelque intéressant qu'il soit à biendes égards, le XVIIIe siècle paraîtra, par ma fautepeut-être, peut-être par la nature des choses,singulièrement pâle entre l'âge qui le précède etcelui qui le suit. Il a vu un abaissement notabledu sens moral, qui, sans doute, ne pouvait guèrealler sans un certain abaissement de l'espritlittéraire et de l'esprit philosophique; et, de fait,il semble aussi inférieur, au point de vue philosophique,au siècle de Descartes, de Pascal etde Malebranche, qu'il l'est, au point de vue littéraire,d'une part au siècle de Bossuet et de Corneille,d'autre part au siècle de Chateaubriand,de Lamartine et de Hugo. Cette décadence, trèsrelative d'ailleurs, et dont on peut se consoler,puisqu'on s'en est relevé, a des causes multiplesdont j'essaie de démêler quelques-unes.

Un homme né chrétien et français, dit LaBruyère, se sent mal à l'aise dans les grands sujets.Le XVIIIe siècle littéraire, qui s'est trouvé sià l'aise dans les grands sujets et les a traités silégèrement, n'a été ni chrétien ni français. Dèsle commencement du XVIIIe siècle l'extinctionbrusque de l'idée chrétienne, à partir du commencementdu XVIIIe siècle la diminution progressivede l'idée de patrie, tels ont été les deuxsignes caractéristiques de l'âge qui va de 1700 à1790. L'une de ces disparitions a été brusque,dis-je, et comme soudaine; l'autre s'est faiteinsensiblement, mais avec rapidité encore, et,en 1750 environ, était consommée, heureusementnon pas pour toujours.

J'attribue la diminution de l'idée de patrie,comme tout le monde, je crois, à l'absence presqueabsolue de vie politique en France depuisLouis XIV jusqu'à la Révolution. Deux étatssociaux ruinent l'idée ou plutôt le sentiment dela patrie: la vie politique trop violente, et lavie politique nulle. Autant, dans la fureur despartis excités créant une instabilité extrême dansla vie nationale et comme un étourdissementdans les esprits, il se produit vite ce qu'on aspirituellement appelé une «émigration à l'intérieur»,c'est-à-dire le ferme dessein chez beaucoupd'hommes de réflexion et d'étude de neplus s'occuper du pays où ils sont nés, et enréalité de n'en plus être;—autant, et pour lesmêmes causes, dans un état social où le citoyenne participe en aucune façon à la chose publique,et au lieu d'être un citoyen, n'est, à vrai dire,qu'un tributaire, l'idée de patrie s'efface, quitteà ne se réveiller, plus tard, que sous la rudesecousse de l'invasion. C'est ce qui est arrivé enFrance au XVIIIe siècle. Fénelon le prévoyait trèsbien, au seuil même du siècle, quand il voulaitfaire revivre l'antique constitution française, et,par les conseils de district, les conseils de province,les Etats généraux, ramener peuple, noblesseet clerg

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