LE CALVAIRE

PAR

OCTAVE MIRBEAU

AVEC UNE PRÉFACE DE L'AUTEUR

SEIZIÈME ÉDITION
PARIS
PAUL OLLENDORFF, ÉDITEUR
28 bis, RUE DE RICHELIEU, 28 bis
1887

A MON PÈRE

Témoignage de ma piété filiale,

O. M.


PRÉFACE DE LA NEUVIÈME ÉDITION

Le Calvaire a été fort malmené par les patriotes—ces gens-là neplaisantent point—aussi malmené qu'un tonneau de bière allemande—cequi serait pour blesser mon amour-propre—ou qu'un opéra de Wagner—cequi serait pour l'exalter. Les patriotes ont détaché de mon livreun court chapitre, où il est question de la guerre, douloureusement(peut-être eussent-ils désiré que j'en parlasse gaîment, comme d'unvaudeville et d'un ballet), et c'est sur ce chapitre seul que leurverve s'est exercée, ce qui a fait croire à ceux qui ne l'avaient paslu que le Calvaire est un roman militaire. Les épithètes vengeresses,les qualificatifs justiciers ne m'ont point été épargnés. Il y a euaussi des déclarations inattendues, gonflées du patriotisme le plusimpatient; quelques-uns voulaient mourir, pour la patrie, dans lesvingt-quatre heures, le rire aux lèvres, afin de me bien prouver quela patrie n'était point morte et que je ne l'avais pas tuée. J'ai lu,à ce propos, des phrases admirables et dignes d'entrer, encore touthumides d'encre, dans l'impartiale et définitive Histoire. Je conviensque cela fut un beau spectacle et surtout un spectacle consolant.

De tout ce qui a été écrit sur le Calvaire, il résulte que je suisun sacrilège, parce qu'aux implacables férocités de la guerre j'ai osémêler la supplication d'une pitié; que je suis un iconoclaste, parcequ'en voyant la ruine des choses et la mort des jeunes hommes, monâme s'est émue et troublée; que je suis un espion allemand, parce quej'ai voulu regarder en face la défaite; que je suis un réfractaire,parce qu'on suppose que mon roman sera traduit en allemand, ce qui,jusqu'ici, n'était pas encore arrivé à un ouvrage français.... J'enpasse.... Les plus bienveillants ont prétendu, avec des regretstristes, que je suis un inconscient et un fou, parce qu'on ne doitjamais écrire ce qui est vrai, et qu'il faut, sous l'enguirlandementhypocrite de l'écriture, si bien dissimuler la vérité que personne nepuisse la découvrir jamais. Enfin, il est avéré que j'ai commis là uneœuvre criminelle, anti-française, ou, tout au moins, imprudente....

Des personnes qui me veulent du bien m'ont conseillé de répondre.Répondre à qui, à quoi? Et que dirai-je?... J'avoue que je ne comprendsrien à ces reproches, et je serais étonné prodigieusement d'avoirencouru tant d'accusations, si je n'étais au fait, depuis longtemps,des habitudes d'un certain journalisme parisien, des choses qu'ilrespecte aujourd'hui et qu'il honnit demain, sans savoir exactementpourquoi, sinon qu'il y a des abonnés et qu'il les faut satisfaire.

Aucun, parmi les plus farouches des patriotes, n'a suspecté lepatriotisme de Stendhal, pour ce qu'il écrivit la bataille de Waterloo;tous vantent l'ardent amour humain qui dicta à Tolstoï ses pagesenflammées contre la guerre; je n'ai pas entendu dire que le moindrereporter soit descendu au fond de la conscience de M. Ludovic Halévyet lui ait reproché l'Invasion, un livre sombre et terrible, malgréles enveloppements de la forme, malgré l'esprit de parti politiquequi l'anime. Que dirais-je de plus?... Je n'ai point fait un livresur la guerre; j'ai, dans un chapitre où sont contés avec douleur lesnavrements d'une armée vaincue, développé la psychologie de mon héros,qui est une âme tendre, un esprit inquiet et rêveur. Voilà tout.

Et puis, chacun entend le patriotisme à sa façon.

Le patriotisme tel que je le compre

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