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JEAN-NU-PIEDS

PAR
ALBERT DELPIT

TOME DEUXIÈME

PARIS E. DENTU, LIBRAIRE-ÉDITEUR

1876

I

LA RENCONTRE

A quelques pas de cette ferme où Madame et les siens s'étaient réfugiés,s'élève l'église modeste du village de Rassé.

Il serait bien difficile d'établir quel architecte exotique a pudessiner le plan de ce monument ridicule. Mais la religion prête à cesogives grotesques je ne sais quel aspect artistique plus grand que lespierres taillées de Donatello et de Brunelleschi.

Entrons dans l'église. Tout y est commun, vulgaire, et pourtant tout yest charmant.

Le bois jaune-brun des bancs est troué par les mites d'une infinité detrous; le petit banc pour les genoux est rugueux au toucher.

Il n'y a qu'une seule chose de prix dans l'église; il est vrai qu'elleest d'un prix inestimable, et qu'elle enrichirait Notre-Dame etSaint-Pierre.

C'est une tapisserie merveilleuse, faite au petit point, qui rappelle às'y méprendre, tant le travail est admirable de fini et d'art, lesravissantes miniatures qu'expose madame Marie de Chevarier, dans sonatelier du boulevard Haussmann. Cette tapisserie représente plusieurssujets religieux du pape saint Pie V.

Pie V avait dans son oratoire un crucifix d'ivoire qu'il affectionnaitparticulièrement.

Quand il priait, il avait coutume de baiser plusieurs fois les pieds du
Christ.

Or, un jour, ses ennemis versent du poison sur ces pieds d'ivoire, demanière que le Saint-Père bût la mort, à son insu, en embrassant lesplaies du Sauveur.

Mais Dieu veillait sur son serviteur. Quand déjà Pie V avançait leslèvres, le Christ, immobile sur sa croix d'ébène, recula, et ne voulutpas donner la mort à celui qui lui demandait la vie.

Or, le soir même de la bataille de Vieillevigne, au moment où Madameordonnait à Jean-Nu-Pieds d'aller en reconnaissance du côté du châteaude la Pénissière, une jeune femme priait au pied du maître autel de lapetite église. Cette jeune femme était Fernande, qui venait de quitterpour toujours les vêtements de Pinson et avait repris ceux demademoiselle Grégoire.

Elle priait avec ferveur, ses yeux étaient inondés de larmes.

—O mon Dieu! dit-elle en regardant la tapisserie, vous qui avez fait unmiracle pour sauver votre glorieux serviteur, ô mon Dieu! faites qu'ils'en accomplisse un aussi pour me sauver, moi si obscure, mais siinfortunée! J'ai souffert, mais j'ai lutté, mais j'ai triomphé… J'aiétreint mon cœur dans ma poitrine, en lui refusant le droit de battre…J'ai défendu à ma faiblesse de prendre le dessus sur ma force. O monDieu! ayez pitié de moi.

La malheureuse enfant pleurait à chaudes larmes. Quelle que soitl'énergie d'une créature humaine, elle décroît en face de Dieu, carl'âme intelligente sait qu'il suffirait de la volonté de Celui qu'onimplore pour ch

...

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