LES
PARTIS POLITIQUES
EN PROVINCE.
IMP. E. DÉZAIRS, A BLOIS.
Par P. Scudo.
PARIS,
LEQUIEN, LIBRAIRE, QUAI DES AUGUSTINS, 47.
MDCCCXXXVIII.
A LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
DE NANTES.
En témoignage
D'une vive reconnaissance.
Scudo.
INTRODUCTION.
Expirant sous les débris de la société antique,le dix-huitième siècle légua à son successeurl'impérieux devoir de trouver aux nationsdélaissées une nouvelle moralité. La révolutionde 89 brillera dans l'avenir, comme une vasteépopée de l'esprit humain. Ce fut le cri lugubre[Pg 2]d'un monde corrompu succombant sous lescoups d'une génération nouvelle, qui s'emparaitde la vie avec une impitoyable fureur; cefut l'acclamation spontanée et magnifique d'unpeuple malheureux, qui s'échappait des bastillesde la féodalité; ce fut l'horrible immolationd'une caste sociale qui avait absorbé en elleseule la puissance et la richesse de la nation;enfin, ce fut l'apparition du principe de l'égalité,déposé par Jésus dans la conscience dugenre humain, qui, perçant l'enveloppe de lafoi, se constituait une vérité de l'intelligence.
Dans le petit nombre de lois fondamentalesde l'esprit humain, il y en a une qui les dominetoutes: c'est le dogmatisme de la volonté.La volonté de l'homme est une puissance primitive,qui ne se soumet qu'à un principe supérieur;jamais elle n'accorde à une simplevolonté comme elle, le droit de la commander,si cette dernière ne puise ce droit dans unesource impersonnelle. Deux volontés individuellessont deux unités d'une même nature,qui ne peuvent faire nombre, parce que l'unene saurait se subordonner à l'autre. Si dans[Pg 3]les coups dont on l'accable, le soldat autrichiencroyait voir l'effet de la volonté du caporal quiles lui administre, il l'égorgerait à l'instantmême; mais sachant que le caporal n'est qu'unmisérable instrument, il remonte le fleuve de lahiérarchie sociale, et va chercher la cause deson supplice jusque sur le trône de l'empire,où sa raison trébuche et s'anéantit: l'histoirede l'humanité confirme ce principe.
Cependant la société serait-elle possible avecce tourbillon de volontés individuelles, si unlien ne les réunissait pour en former un toutharmonieux? évidemment non. Quel sera doncce verbe mystérieux qui établira l'ordre dansle chaos? Ici se partagent les philosophes, etse multiplient les systèmes.
Pour qu'une volonté surgisse du sein de seségales et vienne leur imposer sa loi, il faut detoute nécessité qu'elle soit appuyée de l'une desdeux puissances qui seules, en ce monde, dominentles volontés individuelles: de Dieu ou del'humanité. Dieu et l'humanité, sources sacréesd'où s'épandent les principes des sociétés; fleuves[Pg 4]immenses aux cours desquels doit se retremperla volonté qui prétend régir le