Perlege Mæonio cantatos carmine Mures,
Et frontem nugis solvere disce meis.
Martial.
A RATOPOLIS.
M. DCC. XXXVII.
-j-
Depuis que les Auteurs amusent,ou ennuyent les Lecteurs,on n’a jamais été en droit de censurerle choix de leur sujet. Chacun peutimpunément suivre son goût, son talent,son caprice même, sans être comptableau Public que de l’executionseule du projet qu’il a choisi. Je suistrès-persuadé que nous sommes néspour servir la societé, & j’honore infinimenttous les Sçavans qui ont travailléà éclairer les hommes, & surtoutà les rendre meilleurs. Mais commemalheureusement leurs talens memanquent, je n’ai garde de trop présumerde ma destination dans les Sciences ;ainsi je prens la liberté de donnerune favorable interprétation au principe ;-ij- je conviens de la nécessité de contribuerau bien commun, mais je pensequ’un Auteur peut s’acquitter à peu defrais de cette étroite obligation.
En effet, plus je refléchis sur lesdifferens interêts de la societé, plus ilme semble que l’amusement, le plaisir,la bagatelle sont des parties essentiellesde l’utilité publique, plus je trouve très-nécessairesla plupart des choses qu’onnomme inutiles, & surtout dans le mondelitteraire, ces riens qui réjoüissentl’imagination au dépens même de l’esprit,qui dissipent l’ennui, ne me paroissentnullement des riens méprisables,parce que nous sommes autant faitspour être réjoüis que pour raisonner.
Ces vérités n’ont pas besoin de preuves,elles portent avec elles une convictionque jamais on n’a mieux sentiequ’aujourd’hui ; on aime la futilité, oncourt après la bagatelle, ce sont les-iij- Divinités du tems que tout Auteur quiveut être lû doit encenser ; leur regnene sera peut-être pas éternel, mais il està présent dans son plus grand brillant,le Public est entiérement subjugué : depuisque deux ou trois beaux esprits luiont donné le ton par des ouvrages légers,de petites Pieces amusantes, desRomans agréables qu’on a pris pour deslivres de caractéres, on dévore avidementtout ce qui est marqué au mêmecoin, & Messieurs les Auteurs en genshabiles profitent de la mode ; ils fontpleuvoir les brochûres en tous les genresqui ne demandent pas plus de peineà composer qu’à lire, tout le monde faitdes Historiettes, des Contes, des Poësiesfugitives, & les Muses devenuësEpicuriennes, pour ne pas avoir l’affrontde se voir absolument abandonnées,ne chantent que la paresse, lamolesse, la volupté.
-iv- Des personnes même d’un méritedistingué se laissent entraîner par letorrent, & sacrifient à la même bagatelledes talens qu’ils pourroient employeraux plus grandes choses. LesCenseurs ont beau dire que c’est dommageque tel Auteur ait tant d’esprit ouqu’il le place si mal à propos. M. l’Auteurloin d’avoir honte de la censure ne laprend que pour un aveu autentique duseul merite dont il soit jaloux.
Si l’on me demandoit sérieusementce que je pense de ce goût du siécle,j