No 3737.—72e Année.
17 Octobre 1914
Prix du Numéro:
Un Franc
Journal Universel
HEBDOMADAIRE
R. BASCHET, Directeur-Gérant
13, Rue Saint-Georges
Paris
278
Nos abonnés et lecteurs sont assurés de pouvoir toujours se procurerdans nos bureaux et chez les libraires les numéros de la guerredepuis celui du 8 août. Nous réimprimons ces numéros lorsqu’ilss’épuisent et leur rassortiment ne peut guère tarder plus d’unesemaine.
Quant au numéro du 1er août, qui nous est souvent réclamé pourcompléter des collections, nous ne le réimprimerons qu’après la guerreet au chiffre nécessité par les demandes. On est donc prié de se faireinscrire.
«... En cinq minutes, l’autre jour, j’ai eu autour de moi 8 morts et 16 blessés et tout a continué de fonctionner dans la batterie avec un calme merveilleux, comme si rien n’était. Mais nos hommes ont enterré leurs camarades au pied même des canons, à la place où ils ont été tués, et de ces tombes ils continuent tous les jours à tirer afin de mieux venger ceux qui ne sont plus...»
Voilà ce que m’écrit un lieutenant d’artillerie et cette phrase m’atransporté, m’a fait pousser des cris. Depuis que je l’ai reçue commeun éclat de métal, elle me frappe toujours. Je ne cesse de la sentir,je ne peux pas détacher mon esprit de la splendide image et du symbolequ’elle évoque, image de poème épique d’une grandeur incomparable quisemble la trouvaille d’un génie et qui devient cent fois plus émouvantesi je me dis qu’elle n’est pas le fruit d’une imagination merveilleusemais la fleur pourpre et fière d’une réalité qui vibre, chaude encore.
Le canon sur les tombes! Vous représentez-vous ces morts étendus côteà côte dans le linceul de leurs habits en lambeaux, et recouvertsde terre bien tassée, piétinée avec respect? Pourquoi ce sol est-ilainsi foulé, en y consacrant tant de soin? C’est afin que la piècede 75 puisse être placée là et s’y trouve comme il faut!... Et sureux, en effet, sur les soldats alignés et couchés de force... au boutd’un instant, le canon, pieux, doucement roule et puis s’arrête, lesécrasant avec précaution d’un poids qui leur est amical et ne leur pèsepas, sous lequel ils respirent mieux dans leur nouveau sommeil. Qu’ilss’estiment heureux de demeurer alors tout contre leur pièce, d’en êtrela plate-forme! Et pour une sépulture d’artilleur, quel plus beaumonument funéraire qu’un canon!... celui qu’hier encore, ce matin même,ils manœuvraient souples d’amour et dans une ardente tranquillité...C’est donc une joie sans seconde que de