PORTRAITS
LITTÉRAIRES

PAR

C.-A. SAINTE-BEUVE

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE.

Nouvelle Édition revue et corrigée

Tome III

1864



THÉOCRITE, FRANÇOIS Ier POÈTE,
LE CHEVALIER DE MÉBÉ, L'ABBÉ PRÉVOST,
MADEMOISELLE AÏSSÉ, MADAME DE KRUDNER,
MADAME DE STAAL-DELAUNAY,
BENJAMIN CONSTANT, M. RODOLPHE TOPFFER,
M. DE RÉMUSAT, M. VICTOR COUSIN,
CHARLES LABITTE.




La première édition de ce volume, qui parut d'aborden décembre 1851, avait en tête cet avertissement:

«Ce volume, que j'intitule Derniers Portraits, nonparce que j'ai décidé de n'en plus faire, mais parce qu'ilse compose des dernières études de ce genre auxquellesj'ai pris plaisir avant Février 1848, sert de complémentaux six volumes de Portraits déjà publiés chez M. Didier.Il s'y rapporte par le ton et par les sujets: j'y toucheaux Anciens, je m'arrête un instant au seizième siècle,je me complais au dix-septième, et nos contemporainsont aussi leur part. Si l'on rangeait un jour mes Portraitsdans un ordre méthodique, ce volume fourniraitson contingent à chacune des branches dans lesquellesje me suis essayé.»

Aujourd'hui, en réimprimant ce volume dans la collectionacquise par MM. Garnier, j'en fais le tome IIIdes Portraits littéraires, auxquels il se rapporte eneffet par la plus grande partie de son contenu.

Décembre 1862.




THÉOCRITE

I

La poésie grecque, qui commence avec Homère, et quiouvre par lui sa longue période de gloire, semble la cloreavec Théocrite; elle se trouve ainsi comme encadrée entre lagrandeur et la grâce, et celle-ci, pour en être à faire leshonneurs de la sortie, n'a rien perdu de son entière et suprêmefraîcheur. Elle n'a jamais paru plus jeune, et a rassembléune dernière fois tous ses dons. Après Théocrite, il yaura encore en Grèce d'agréables poëtes; il n'y en aura plusde grands. «La lie même de la littérature des Grecs dans savieillesse offre un résidu délicat;» c'est ce qu'on peut direavec M. Joubert des poëtes d'anthologie qui suivent. MaisThéocrite appartient encore à la grande famille; il en est parson originalité, par son éclat, par la douceur et la largeur deses pinceaux. Les suffrages de la postérité l'ont constammentmaintenu à son rang, et rien ne l'en a pu faire descendre.A un certain moment, les mêmes gens d'esprit qui s'attaquaientà Homère se sont attaqués à Théocrite. Tandis quePerrault prenait à partie l'Iliade, Fontenelle faisait le procèsaux Idylles; il n'y a pas mieux réussi. C'est toujours un étonnementpour moi, je l'avoue, de voir qu'un esprit aussi supérieurque Fontenelle n'ait pas mieux compris, tout bergernormand qu'il était, qu'en ce parallèle des anciens et desmodernes il y avait des genres dans lesquels les anciens devaientpresque nécessairement avoir la prééminence, quelleque fût la revanche des modernes sur d'autres points. Luiqui a si ingénieusement et si justement comparé la suite desâges et des siècles à la vie d'un seul homme, lequel, existantdepuis le commencement du monde jusqu'à présent, auraiteu son enfance, sa jeunesse, sa maturité, comment n'a-t-ilpas reconnu que cet âge de jeunesse qu'il rejetait dans lepassé était en effet le plus propre à un certain épanouissementnaturel et riant, dont l'à-propos ne se retrouve plus?Un vieux poëte du seizième siècle (Pontus de Thyard), ayantà définir les Grâces, l'a fait en des termes qui reviennent singulièrementà ma pensée: «Des trois Grâces, dit-il, la premièreétoit nommée Aglaé, la seconde Thalie, et la tierce,Euphrosyne. Aglaé signifie splendeur, qu'il faut entendrepour celle grâce d'

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