LA PRÉSENTE ÉDITION
DES
ŒUVRES COMPLÈTES DE GUY DE MAUPASSANT
A ÉTÉ TIRÉE
PAR L’IMPRIMERIE NATIONALE
EN VERTU D’UNE AUTORISATION
DE M. LE GARDE DES SCEAUX
EN DATE DU 30 JANVIER 1902.
IL A ÉTÉ TIRÉ À PART
100 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE LUXE
SAVOIR:
60 exemplaires (1 à 60) sur japon ancien.
20 exemplaires (61 à 80) sur japon impérial.
20 exemplaires (81 à 100) sur chine.
Le texte de ce volume
est conforme à celui de l’édition originale: Contes de la Bécasse.
Paris, Ed. Rouveyre et G. Blond, 1883,
avec addition de:
La Tombe, Notes d’un Voyageur (inédits).
ŒUVRES COMPLÈTES
DE
GUY DE MAUPASSANT
CONTES
DE
LA BÉCASSE
LA TOMBE.—NOTES D’UN VOYAGEUR
PARIS
LOUIS CONARD, LIBRAIRE-ÉDITEUR
17, BOULEVARD DE LA MADELEINE, 17
MDCCCCVIII
Tous droits réservés.
Le vieux baron des Ravots avait été pendant quarante ans le roi deschasseurs de sa province. Mais, depuis cinq à six années, une paralysiedes jambes le clouait à son fauteuil, et il ne pouvait plus que tirerdes pigeons de la fenêtre de son salon ou du haut de son grand perron.
Le reste du temps il lisait.
C’était un homme de commerce aimable chez qui était resté beaucoup del’esprit lettré du dernier siècle. Il adorait les contes, les petitscontes polissons, et aussi les histoires vraies arrivées dans sonentourage. Dès qu’un ami entrait chez lui, il demandait:
—Eh bien, quoi de nouveau?
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Et il savait interroger à la façon d’un juge d’instruction.
Par les jours de soleil il faisait rouler devant la porte son largefauteuil pareil à un lit. Un domestique, derrière son dos, tenaitles fusils, les chargeait et les passait à son maître; un autrevalet, caché dans un massif, lâchait un pigeon de temps en temps, àdes intervalles irréguliers, pour que le baron ne fût pas prévenu etdemeurât en éveil.
Et, du matin au soir, il tirait les oiseaux rapides, se désolant quandil s’était laissé surprendre, et riant aux larmes quand la bête tombaitd’aplomb ou faisait quelque culbute inattendue et drôle. Il se tournaitalors vers le garçon qui chargeait les armes, et il demandait, ensuffoquant de gaieté:
—Y est-il, celui-là, Joseph! As-tu vu comme il est descendu?
Et Joseph répondait invariablement:
—Oh! monsieur le baron ne les manque pas.
A l’automne, au moment des chasses, il invitait, comme à l’ancientemps, ses amis, et il aimait entendre au loin les détonations. Illes comptait, heureux quand elles se précipitaient. Et, le soir