| PRÉFACE DU TRADUCTEUR MOLL FLANDERS |
La fortune littéraire de Robinson Crusoé a été si prodigieuse que lenom de l'auteur, aux yeux du public, a presque disparu sous sa gloire.Si Daniel de Foë avait eu la précaution de faire suivre sa signature dutitre qu'il avait à la célébrité, la Peste de Londres, Roxana, leColonel Jacques, le Capitaine Singleton et Moll Flanders auraient faitleur chemin dans le monde. Mais il n'en a pas été ainsi. Pareilleaventure était arrivée à Cervantes, après avoir écrit Don Quichotte.Car on ne lut guère ses admirables nouvelles, son théâtre,sans compter Galathée et Persiles y Sigismunde.
Cervantes et Daniel de Foë ne composèrent leurs grandes œuvresqu'après avoir dépassé l'âge mûr. Tous deux avaient mené auparavant unevie très active: Cervantes, longtemps prisonnier, ayant vu les hommes etles choses, la guerre et la paix, mutilé d'une main. De Foë, prisonnieraussi à Newgate, exposé au pilori, mêlé au brassage des affairespolitiques au milieu d'une révolution; l'un et l'autre harcelés par desennuis d'argent, l'un par des dettes, l'autre par des faillitessuccessives; l'un et l'autre énergiques, résistants, doués d'uneextraordinaire force de travail. Et, ainsi que Don Quichotte contientl'histoire idéale de Cervantes transposée dans la fiction, RobinsonCrusoé est l'histoire de Daniel de Foë au milieu des difficultés de lavie.
C'est de Foë lui-même qui l'a déclaré dans la préface au troisièmevolume de Robinson: Sérieuses réflexions durant la vie et lessurprenantes aventures de Robinson Crusoé. «Ce roman, écrit de Foë, bienqu'allégorique est aussi historique. De plus, il existe un homme bienconnu dont la vie et les actions forment le sujet de ce volume, etauquel presque toutes les parties de l'histoire font directementallusion. Ceci est la pure vérité.... Il n'y a pas une circonstance del'histoire imaginaire qui ne soit calquée sur l'histoire réelle.... C'estl'exposition d'une scène entière de vie réelle durant vingt-huit annéespassées dans les circonstances les plus errantes, affligeantes etdésolées que jamais homme ait traversées; et où j'ai vécu si longtempsd'une vie d'étranges merveilles, parmi de continuelles tempêtes; où jeme suis battu avec la pire espèce de sauvages et de cannibales, end'innombrables et surprenants incidents; où j'ai été nourri par desmiracles plus grands que celui des corbeaux; où j'ai souffert toutemanière de violences et d'oppressions, d'injures, de reproches, demépris des humains, d'attaques de démons, de corrections du ciel etd'oppositions sur terre....» Puis, traitant de la représentation fictivede l'emprisonnement forcé de Robinson dans son île, de Foë ajoute: «Ilest aussi raisonnable de représenter une espèce d'emprisonnement par uneautre, que de représenter n'importe quelle chose qui existe réellementpar une autre qui n'existe pas. Si j'avais adopté la façon ordinaired'écrire l'histoire privée d'un homme, en vous exposant la conduite oula vie que vous connaissiez, et sur les malheurs ou défaillances delaquelle vous aviez parfois injustement triomphé, tout ce que j'auraisdit ne vous aurait donné aucune diversion, aurait obtenu à peinel'honneur d'une lecture, ou mieux point d'attention.»
Nous devons donc considérer Robinson Crusoé comme une allégorie, unsymbole (emblem) qui enveloppe un livre dont le fond eût été peut-ê BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!
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