(Agrandissement)

Ce numéro contient l'Illustration Théâtrale avec le texte complet deLA MASSIERE.


LE PERCEMENT DU TUNNEL DU SIMPLON: UNE MINUTE D'EPOUVANTE
A huitkilomètres de l'orifice: la fuite des ingénieurs et des ouvriers devant
le torrent d'eau chaude.

Dessin de Georges Scott d'après un croquis denotre envoyé spécial,
G. Babin,--Voir l'article, page 135.


Courrier de Paris

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

Mon hôtelière, qui est Vosgienne, est enchantée d'apprendre qu'il esttombé dans son département plus de neige, depuis huit jours, qu'en aucunautre. Elle me montre un journal qu'on lui envoie de Gérardmer, deuxfois par semaine, et où la chose est constatée et commentée fièrement.Ces gens sont flattés de ce qui leur arrive. Il y a plus de neige chezeux que chez ceux d'à côté; ils détiennent un record. Et l'on esttoujours content de détenir un record, fût-ce celui du mauvais temps. Jene sais plus qui me citait un jour ce mot d'un jardinier, à la campagne:«Nous avons eu cette semaine, monsieur, vingt-six degrés de froid. C'estgentil, pour un petit pays comme le nôtre?»

On a percé le Simplon! Grosse nouvelle, et voilà pour les philosophes desalon, de table d'hôte ou d'assommoir un beau thème de dissertation àexploiter. Car il n'est plus de sujet réservé, comme jadis, auxcuriosités d'une élite, et mon coiffeur lui-même a des idées générales.Il m'a confié tout à l'heure son sentiment sur le percement du Simplon.Lecteur de feuilles socialistes et humanitaires, il approuve cetteopération, se réjouit de tout ce qui tend à rapprocher les hommes, àmêler les unes aux autres les patries... Un vieux colonel suisse de mesamis fait la grimace et ce tunnel ne lui dit rien qui vaille. A touthasard, il aurait mieux aimé qu'on trouât d'autres frontières que lasienne. J'entends des commerçants vanter le bienfait de cette entrepriseet des fabricants s'alarmer des concurrences qu'elle facilitera. Tout lemonde donne son avis. A un ingénieur qui proclamait hier le devoird'aider les hommes et les choses à voyager vite, un vieux garçon,rentier paresseux et un peu «tolstoïsant», répondait: «Où est lanécessité de voyager vite? Nous ne souffrons que des besoins que notreimagination nous crée. Pascal conseillait aux hommes qui veulent êtreheureux de se tenir en repos dans leur chambre. Il avait bien raison!»

J'assiste à ces discussions sans rien dire et je pense que la questionde savoir s'il était inutile ou nécessaire de percer le Simplon est bienl'une des plus vaines qu'on puisse examiner. On l'a percé parce qu'ilfallait qu'on le perçât et parce que la vie marche suivant une loi dontnous ne sommes pas les maîtres: la loi de l'éternelle curiosité humaine,du besoin de continuellement savoir quelque chose de plus que ce qu'ontsu les autres et de continuellement faire quelque chose de plus que cequ'ils ont fait.

Et Tolstoï peut bien hausser les épaules; et mon colonel suisse aurabeau maugréer; et mon fabricant ergoter... Cette fatalité nous conduit;et je vois très bien qui la symbolise: c'est ce petit homme tout noir,tout mouillé, qui, la main sur l'outil puissant, fit tomber la dernièrepierre du grand tunnel, dans les ténèbres... Il est inconnu de tout lemonde. C'est un

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!