Produced by Anne Dreze and Marc D'Hooghe.
Le 3 avril 1848
C'est dans la Thébaïde, au haut d'une montagne, sur une plate-formearrondie en demi-lune, et qu'enferment de grosses pierres.
La cabane de l'Ermite occupe le fond. Elle est faite de boue et deroseaux, à toit plat, sans porte. On distingue dans l'intérieur unecruche avec un pain noir; au milieu, sur une stèle de bois, un groslivre; par terre, çà et là, des filaments de sparterie, deux ou troisnattes, une corbeille, un couteau.
A dix pas de la cabane, il y a une longue croix plantée dans le sol; et,à l'autre bout de la plate-forme, un vieux palmier tordu se penche surl'abîme, car la montagne est taillée à pic, et le Nil semble faire unlac au bas de la falaise.
La vue est bornée à droite et à gauche par l'enceinte des roches. Maisdu côté du désert, comme des plages qui se succéderaient, d'immensesondulations parallèles d'un blond cendré s'étirent les unes derrière lesautres, en montant toujours;—puis au delà des sables, tout au loin, lachaîne libyque forme un mur couleur de craie, estompé légèrement par desvapeurs violettes. En face, le soleil s'abaisse. Le ciel, dans le nord,est d'une teinte gris-perle, tandis qu'au zénith des nuages de pourpre,disposés comme les flocons d'une crinière gigantesque, s'allongent surla voûte bleue. Ces rais de flamme se rembrunissent, les parties d'azurprennent une pâleur nacrée; les buissons, les cailloux, la terre, toutmaintenant paraît dur comme du bronze; et dans l'espace flotte unepoudre d'or tellement menue qu'elle se confond avec la vibration dela lumière.
qui a une longue barbe, de longs cheveux, et une tunique de peau dechèvre, est assis, jambes croisées, entrain de faire des nattes. Dès quele soleil disparaît, il pousse un grand soupir, et regardant l'horizon:
Encore un jour! un jour de passé!
Autrefois pourtant, je n'étais pas si misérable! Avant la fin de lanuit, je commençais mes oraisons; puis, je descendais vers le fleuvechercher de l'eau, et je remontais par le sentier rude avec l'outre surmon épaule, en chantant des hymnes. Ensuite, je m'amusais à ranger toutdans ma cabane. Je prenais mes outils; je tâchais que les nattes fussentbien égales et les corbeilles légères; car mes moindres actions mesemblaient alors des devoirs qui n'avaient rien de pénible.
A des heures réglées je quittais mon ouvrage; et priant les deux brasétendus je sentais comme une fontaine de miséricorde qui s'épanchait duhaut du ciel dans mon coeur. Elle est tarie, maintenant. Pourquoi?…
Il marche dans l'enceinte des roches, lentement.
Tous me blâmaient lorsque j'ai quitté la maison. Ma mère s'affaissamourante, ma soeur de loin me faisait des signes pour revenir; etl'autre pleurait, Ammonaria, cette enfant que je rencontrais chaque soirau bord de la citerne, quand elle amenait ses buffles. Elle a couruaprès moi. Les anneaux de ses pieds brillaient dans la poussière, et satunique ouverte sur les hanches flottait au vent. Le vieil ascète quim'emmenait lui a crié des injures. Nos deux chameaux galopaienttoujours; et je n'ai plus revu personne.
D'abord, j'ai choisi pour demeure le tombeau d'un Pharaon. Mais unenchantement circule dans ces palais souterrains, où les ténèbres ontl'air épais