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SIMONE

HISTOIRE D'UNE JEUNE FILLE MODERNE

Par VICTOR TISSOT

ParisE. Dentu, Éditeur3, Place Du Palais-Royal, 3

* * * * *

PREMIÈRE PARTIE

I

«Ça marche! Ça marche! Enfoncées les poupées anglaises! Ce gamin deBamberg est étonnant avec ses trucs. N'a-t-il pas imaginé de remplacerles yeux de verre, des yeux fixes, des yeux bêtes par des petitessphères, grosses comme des noisettes, qui pivotent sur elles-mêmes dèsque l'on appuie sur un levier minuscule dissimulé sous le chignon? Unepression sur la nuque et hop! les yeux bleus s'enfoncent sous lapaupière supérieure pendant qu'apparaissent des yeux noirs. Ce petitingénieur est extraordinaire en machinations.

«L'hiver prochain je vais doubler ma vente. Ma petite Simone, qui estune habilleuse plus forte que Worth, chiffonnera du satin autour de mesprincesses. Et allez donc ne pas acheter des bébés qui, vêtus comme desprinces, ont des yeux de rechange!

«Et allez donc ne pas acheter…» Dans la joie de son triomphe sur lesfabricants de poupées anglaises, M. Gosselet, gesticulant, avec sacanne, faillit casser le bras à un Amour en plâtre qui tirait desflèches tout en se tenant en équilibre sur un orteil,—ce qui est unebien mauvaise position pour un tireur, même pour un tireur d'arc.

M. Gosselet qui accouchait, bon an mal an, de trois à quatre cent millepoupées, se sentait les reins assez robustes pour enfanter un million debébés, maintenant qu'il pouvait leur donner des yeux de rechange.

Brusquement il s'arrêta, se gratta le bout du nez, devint grave et semit à palper tous les doigts de sa main gauche entre le pouce et l'indexde sa main droite comme pour s'assurer de la souplesse de sesarticulations.

En réalité M. Gosselet se livrait à un calcul très compliqué et seservait de ses phalanges, de ses phalanges seulement, alors que d'autresemploient des tables de logarithmes. Il parlait haut puis murmurait,puis poussait de petits grognements quand l'opération se brouillaitcomme un quadrille dansé par des jeunes gens frais échappés du collège.

—A cent francs la douzaine, prix de revient… A mille francs ladouzaine, prix de vente, je gagne…

Le gain prévu par M. Gosselet était si considérable, qu'il enjamba, pardistraction, les petits arcs en bois qui bordaient l'allée sablée dejaune et fit deux ou trois enjambées dans le gazon. Or le gazon de M.Gosselet était de ces gazons bourgeois que nul pied ne doit fouler,gazons faits pour la joie de l'oeil comme les petits sapins que lesenfants exhument des boîtes de jouets.

Le marchand de poupées regagna vite l'allée, confus d'avoir été surprisen ce mauvais pas par Tant-Seulement, le jardinier.

En effet, à dix mètres de là, Tant-Seulement, qui taillait au cordeaudes buis de bordure, regardait son patron bouche bée. M. Gosselet luifaisait chausser des espadrilles deux fois par an, pour la tondaison dela pelouse, prétextant que les sabots de bois du bonhomme creusaient destrous dans le sol, et voilà que le fabricant de poupées foulait l'herbehaute comme un poulain lâché!

Tant-Seulement—on avait affublé Jean Patard

...

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