MARCEL BOULENGER
Deuxième Édition
PARIS
SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES
Librairie Paul Ollendorff
50, CHAUSSÉE D'ANTIN, 50
1904
Tous droits réservés.
DU MÊME AUTEUR
En Préparation:
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AU PAYS DE SYLVIE
A Fernand Hayem.
Ce pauvre abbé! Bien qu'il y fût préparédepuis fort longtemps, cette nécessité,où il se trouva soudain, de partir, lesurprit cruellement. Quoi! quitter cegracieux pays de Chantilly, ne plus entrerfamilièrement au Château, ne plustrouver son couvert mis ce soir chez lesd'Oinèche et demain chez les Lorizon,ne plus enseigner aux deux petits vicomtesles bonnes lettres latines, ne-4-plus passer pour un savant homme infinimentspirituel… quelle tristesse!
Enfin, puisque la Providence ne luiavait pas épargné cette épreuve, l'abbéMarigot devait se résigner à prendrecongé. Aussi bien, en vertueux professeuret en honnête chrétien, avait-il assidûmenttravaillé à son malheur depuisquatre ans, et préparé à grand'peine lacatastrophe qui l'éloignait: c'est-à-direque l'abbé Marigot venait de faire admettreau grade de licencié ès-lettresles jeunes vicomtes Armand d'Oinècheet Gilbert de Lorizon, ses élèves. Et ladouleur que lui causait cet événementl'emportait de beaucoup en lui sur l'orgueil,car les chers enfants n'avaient étéreçus qu'à la faveur de cette indulgencedont la Faculté réserve parfois lasurprise aux descendants des nobles-5-familles; et tandis que l'abbé eût souhaitéqu'Armand d'Oinèche et Gilbertde Lorizon se fussent illustrés parde pures études classiques, n'avaient-ilspas été choisir précisément la licenced'anglais, sous prétexte qu'ilsparlaient ce patois avec facilité?
L'abbé Marigot ne conservait d'ailleursaucune illusion, il faut bien l'avouer.Il n'ignorait pas que ces adolescentscultivés et suivis avec tant desollicitude depuis quatre ans, n'avaientnullement appris à lire dans le texteHorace ou Rudyard Kipling pour enmieux apprécier les beautés, mais bienpour éviter tout simplement de fairetrois ans de service militaire. Messieursles comtes d'Oinèche et de Lorizon,leurs pères, estimaient sans doute quese former à marquer le pas fût une obligation-6-sacrée, en général, et qu'il fallûtau moins trois ans pour faire un bonsoldat, mais qu'en particulier Armand etGilbert ne devaient passer que dix moisparmi de crapuleuses promiscuités.
Et c'était certes bien dommage de lesexp