LES FLEURS DU MAL

par

CHARLES BAUDELAIRE

Préface par Henry FRICHET

[Illustration]

PRÉFACE

Charles Baudelaire avait un ami, Auguste Poulet-Malassis, ancien élèvede l'école des Chartes, qui s'était fait éditeur par goût pour lesraffinements typographiques et pour la littérature qu'il jugeait enérudit et en artiste beaucoup plus qu'en commerçant; aussi bien ne fit-il jamais fortune, mais ses livres devenus assez rares sont depuislongtemps très recherchés des bibliophiles.

Les poésies de Baudelaire disséminées un peu partout dans les petitsjournaux d'avant-garde comme le Corsaire et jusque dans la graveRevue des Deux-Mondes, n'avaient point encore, en 1857, étéréunies en volume. Poulet-Malassis, que le génie original de Baudelaireenthousiasmait, s'offrit de les publier sous le titre de Fleurs duMal, titre neuf, audacieux, longtemps cherché et trouvé enfin nonpoint par Baudelaire ni par l'éditeur, mais par Hippolyte Babou.

Les Fleurs du Mal se présentaient comme un bouquet poétiquecomposé de fleurs rares et vénéneuses d'un parfum encore ignoré. Ce futun succès--succès d'ailleurs préparé par la Revue des Deux-Mondes qui, en accueillant un an auparavant quelques poésies deBaudelaire, avait mis sa responsabilité à couvert par une notesingulièrement prudente. De nos jours une pareille note ressembleraitfort à une réclame déguisée:

« Ce qui nous paraît ici mériter l'intérêt, disait-elle, c'estl'expression vive, curieuse, même dans sa violence, de quelquesdéfaillances, de quelques douleurs morales, que, sans les partager niles discuter, on doit tenir à connaître comme un des signes de notretemps. Il nous semble, d'ailleurs, qu'il est des cas où la publicitén'est pas seulement un encouragement, où elle peut avoir l'influenced'un conseil utile et appeler le vrai talent à se dégager, à sefortifier, en élargissant ses voies, en étendant son horizon. »

C'était se méprendre étrangement que de compter sur la publicité pouramener Baudelaire à résipiscence; le parquet impérial ne prit pas tantde ménagements. Le livre à peine paru, fut déféré aux tribunaux. Tandisque Baudelaire se hâtait de recueillir en brochure les articlesjustificatifs d'Edmond Thierry, Barbey d'Aurevilly, Charles Asselineau,etc..., il sollicitait l'amitié de Sainte-Beuve et de Flaubert (toutrécemment poursuivi pour avoir écrit Madame Bovary), des moyensde défense dont les minutes ont été conservées et dont il transmettaitla teneur à son avocat, Me Chaix d'Est-Ange. Sur le réquisitoire de M.Pinard (alors avocat général et plus tard ministre de l'Intérieur), ledélit d'offense à la morale religieuse fut écarté, mais en raison de laprévention d'outrage à la morale publiques et aux bonnes moeurs, laCour prononça la suppression de six pièces: Lesbos, Femmes damnées,le Lethé, A celle qui est trop gaie, les Bijoux et les Métamorphoses duVampire, et la condamnation à une amende de l'auteur et del'éditeur (21 août 1857).

Le dommage matériel ne fut pas considérable pour Malassis; l'éditionétait presque épuisée lors de la saisie.

Tout d'abord, Baudelaire voulut protester. On a retrouvé dans sespapiers le brouillon de divers projets de préfaces qu'il abandonna lorsde la réimpression à la fois diminuée et augmentée des Fleurs duMal en 1861. Cette mutilation de sa pensée par autorité de justiceavait eu pour résultat de rendre les directeurs de journaux et derevues très méfiants à son égard, lorsqu'il leur présentait quelquespages de prose ou des poésies nouvelles; sa situation pécuniaire s'enressentit. Il travaillait lentement, à ses heures, toujours préoccupéd'atteindre l'idéale perfection et ne traitant d'ailleurs que dessujets auxquels le grand public

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