IL A ÉTÉ TIRÉ:
50 exemplaires, numérotés de 1 à 50, sur papier du Japon
10 exemplaires, numérotés de 51 à 60, sur Hollande Van Gelder
CTE DE VILLIERS DE L’ISLE-ADAM
Histoires souveraines
Bruxelles MDCCCIC
Edm. Deman Éditr
Au Poète VILLIERS de l’ISLE-ADAM
En respectueuse mémoire.
A Madame la comtesse d’Osmoy.
La forme du corps lui est plus essentielleque sa substance.
La Physiologie moderne.
L’Amour est plus fort que la Mort, a ditSalomon: oui, son mystérieux pouvoir est illimité.
C’était à la tombée d’un soir d’automne, en ces dernièresannées, à Paris. Vers le sombre faubourg Saint-Germain,des voitures, allumées déjà, roulaient, attardées,après l’heure du Bois. L’une d’elles s’arrêta devantle portail d’un vaste hôtel seigneurial, entouré de jardins8séculaires; le cintre était surmonté de l’écussonde pierre, aux armes de l’antique famille des comtesd’Athol, savoir: d’azur, à l’étoile abîmée d’argent, avecla devise «Pallida Victrix», sous la couronne retrousséed’hermine au bonnet princier. Les lourds battantss’écartèrent. Un homme de trente à trente-cinq ans, endeuil, au visage mortellement pâle, descendit. Sur leperron, de taciturnes serviteurs élevaient des flambeaux.Sans les voir, il gravit les marches et entra. C’était lecomte d’Athol.
Chancelant, il monta les blancs escaliers qui conduisaientà cette chambre où, le matin même, il avaitcouché dans un cercueil de velours et enveloppé deviolettes, en des flots de batiste, sa dame de volupté,sa pâlissante épousée, Véra, son désespoir.
En haut, la douce porte tourna sur le tapis, il soulevala tenture.
Tous les objets étaient à la place où la comtesse lesavait laissés la veille. La Mort, subite, avait foudroyé.La nuit dernière, sa bien-aimée s’était évanouie en desjoies si profondes, s’était perdue en de si exquises9étreintes, que son cœur, brisé de délices, avait défailli:ses lèvres s’étaient brusquement mouillées d’une pourpremortelle. A peine avait-elle eu le temps de donnerà son époux un baiser d’adieu, en souriant, sans uneparole: puis ses longs cils, comme des voiles de deuil,s’étaient abaissés sur la belle nuit de ses yeux.
La journée sans nom était passée.
Vers midi, le comte d’Athol, après l’affreuse cérémoniedu caveau familial, avait congédié au cimetière lanoire escorte. Puis, se renfermant, seul, avec l’ensevelie,entre les quatre murs de marbr