La Pantoufle

de

Sapho

& Autres Contes

CHARLES CARRINGTON,
Libraire-Éditeur
13, Faubourg Montmartre, Paris


SACHER MASOCH

L'AMOUR CRUEL A TRAVERS LES AGES

LA

PANTOUFLE DE SAPHO

et autres Contes

Traduit par D. DOLORÈS

PARIS

CHARLES CARRINGTON, LIBRAIRE-ÉDITEUR

13, Faubourg Montmartre, 13

1907


LA PANTOUFLE DE SAPHO

(1859)

LA PANTOUFLE DE SAPHO

(1859)

L'hiver de 1859 étendait son blanc et floconneux tapis de neige sur lesremparts de la joyeuse capitale autrichienne et, aux environs, sur lescoupoles du Kahlenberg et du Leopoldsberg. Le monde brillant etaristocratique était rentré des eaux et de ses terres, et l'ons'amusait, dans les salons privés, ainsi qu'aux lieux de réjouissancespubliques, simplement et gaîment, comme cela n'était guère possible,alors, que dans la ville impériale, résidence de l'empereur Franz.

Mais le point culminant des distractions et des plaisirs, comme del'intérêt artistique et littéraire, était encore et toujours leBurgthéâtre, institution populaire au sens le plus élevé, où lesaspirations idéales de l'élite de la nation se joignaient aux effortsles plus nobles, car une censure hautement sagace rognait les ailesfougueuses du Pégase autrichien, et la vie politique n'agitait encoreque la Hongrie avoisinante, ne se manifestant guère que par les paroles,les chansons et les actes des compagnonnages allemands et de quelquesétudiants des universités de Vienne ou de Prague.

Entre le public et les acteurs, régnait une véritable intimité, car lesViennois de cette époque ne se contentaient pas d'admirer l'artiste surla scène; ils le suivaient dans sa vie journalière et jusque dans sademeure, non pour épier un scandale et s'amuser des vices desprotagonistes chargés d'incarner les rêves héroïques ou spirituels despoètes, comme cela a lieu de nos jours, mais avec le naïf désir de voirla pâle Louise assise à sa table à thé, d'entendre la rêveuse Charlottepotiner en buvant du café, de surprendre la fière princesse Eboli entrain de tricoter des bas ou le vaillant chevalier Goetz de faire sapartie de tarok. Le public viennois était au courant de tout ce qui sepassait derrière les coulisses. Il connaissait le nom de chaqueadorateur de la Stich; il savait toujours, à n'en pas douter, quel soirKorn était plus rauque que de coutume et en quel lieu il avait bu lechampagne responsable, et, lorsqu'enfin Sophie Schrœder monta, tel unsoleil, au firmament de l'art dramatique, faisant pâlir toutes lesétoiles, il ne tomba pas une épingle dans le boudoir de la tragédiennesans que le Tout-Vienne en fût informé, depuis le chancelier d'Etatjusqu'à l'apprenti cordonnier, depuis le cocher de fiacre jusqu'àl'empereur.

L'intérêt que prenait la ville entière à la personnalité de Sophie étaitde nature exclusivement artistique, bien que partant d'un sentiment trèshumain,

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